Heure au marteau, à mer basse

Les yeux se perdent parfois
au fond du jour. Le regard
vide ne fixe plus rien.
On sait alors que c’est là :
l’éblouissement noir
d’un miroitement d’images
qu’on ne voit pas, toutes entières
présentes au même instant.
Comme une photo unique
développée pour personne.

Jacques Ancet


prolonger par un nouveau texte : la passante

Heure au marteau, à mer basse. Au sable. Au cliquet du dénombrement. Au métronome. Plus que dite : enfantée. Éprouvée dans la masse. Portée. Vieillie, irréelle. Encalminée dans un babil féroce : de grève et d’huile. Saumâtre. Qui est là, qui dépose. Inutile et persistante. Un paysage étale : réglisse d’herbe avec son malt, coupée à verse. Puis les rocs. Ligne de terre où la moindre pacotille tombe comme une étoile absolue : blanche, à l’aplomb des jardins. Ici, un Pacifique plane sur les crêtes fumées, confites, dans le sésame d’avant la nuit. D’avant le pont. Et ce qu’ouvrent les bleus les plus cléments est une obscurité déchirée, toujours fraîche, dans la permanence des vents obliques : j’y suis née. Chaque soir dénouée de mes pas, mes œuvres, mes ascendants. Mes corps les uns aux autres substitués, changeants : ne cherche pas, il s’agit d’imperceptible. De maquis. D’enfance. De lassitude hétérogène : avec de grands blancs que les mots picorent de tout leur être. Avec des cicatrices : au désert lent sa parole peinte, géoglyphe sans lèvres aux notes opiniâtres. Tout l’espace éternisé par des cratères, des censures impersonnelles, là sous le joug. Les fourches. Dans les traces, le dos rond. Habitat de ballast avec ses lignes droites, ses œillères taillées dans la chair récalcitrante : les côtés, eux, saturés de mystères, et forcément de joie. C’est l’heure, ne cherche pas : il s’agit d’infime et de fané. De broutille. D’éphémère en suspension. Sans limite. De petits jeux d’ivresse, bouche riche comblée de tourbe, d’espoir et de suffocation : tout ce que nuit recadre, quand le rideau tiré l’entre-deux abdique, enfin. Quand le centre du monde est cet âtre invisible, entre le lit et la porte. J’interroge des effets, une empreinte. Des indices émiettés en sous-œuvre, feuilles de thé ou tabac noir, saisons surnuméraires pour l’éclairage des couloirs : de patience en patience, faire force de retaille, de charpie. D’anodin. Tromper le temps. Toujours en amont d’une rumeur gourmande, clairsemée : coulée dans la pomme mûre et le sucre de bois, dans la stupeur des objets. Avant le port. Le goudron, le salpêtre. Avant le fleuve condamné. Par le soir. Par le bout de la rue. La fatigue qui ressasse les livres. Heure étanche. Locale. Sidérée. Sans timbre.


LES MOTS-CLÉS :

© Michèle Dujardin
1ère mise en ligne et dernière modification le 23 mars 2017
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