Jean-Yves Fick | l’enfance au toucher

vases communicants, échange avec Jean-Yves Fick


prolonger par un nouveau texte : rives d’hiver sous la poussée des paumes

Il y avait dans la mémoire

plus longue du corps des aubes des soirs

déjà palpable l’équinoxe

le rouge parfait qu’accroche aux nuages

le soleil bas d’où naît la couleur rase

le vaste vol d’oiseaux phosphorescents dessous

Il y avait dans la mémoire
plus vive et plus brusque un retour abrupt

ce qui fut incontestable dans la lumière

là se dissémine aux recoins du monde

– même reculés – la grâce précaire

où condense inconnue la beauté toute

Et règnerait dans la mémoire

comme perspectives de pierres nues

âpres lignes que tracent aux rives de l’île

désertes les écluses devenues ruines

sous les coups de boutoir

du sel du temps de l’abandon de l’Océan

Ici je me veux souvenir

des escarpements du grès

qui eux aussi se délitent en sables

doucement – leurs lents soulèvements

d’argile et de fer pétrifiés sans retour

s’écouleront aux flots violents de grands fleuves

Ici je me veux souvenir

des bourrasques brutes du vent

sur la grève sauvage et nue

soubresauts de grands flux
d’immense
que seules égalent parfois

les images étranges des rêves

Ici je me veux souvenir

de cela qui veille infime au cristal de glace

ou – et c’est même chose encore – au grain de sable

simples points perdus hors la mesure l’infini
et déposés aux limites du monde

qui sont partout nulle part ici tout autant

Ici je me veux souvenir

des tracés sans fin du vent dans le sable

qui s’éboule au bas de la Dune

un hiver les rêvera neiges

où même mouvements rayeront les granits

qu’aucun gel ne saurait jamais briser à coeur

Ici je me veux souvenir

de tout cela qui laisse sans voix

d’un éphémère pris en fragments vifs

le blanc d’un bois flotté un miroir embué

la brûlure des gels aux ramures

ce où vivre perdure au-delà les crevasses

Il m’importe d’éprouver

l’angoisse et le vertige du nageur

soudain seul aux courbes glaciales de la vague

un grain de vivre éperdu dans l’abîme

un parmi tous ceux que roulent les flots

sous les reflets épars de cieux cachés

Il m’importe d’éprouver

que demeure l’enfance au toucher de la pierre

d’un brin d’herbe d’un rameau d’une branche

sèche et blanche ramassée au chemin

qui emporte insensible loin
là-bas à l’horizon que je ne sais.

 

Chaque 1er vendredi du mois, échange de blog à blog dans le cadre des Vases Communicants.

Merci à Jean-Yves Fick (texte et photographies noir et blanc) d’accueillir mon texte Attendre l’île.

Récapitulatif général via le groupe Face Book.


LES MOTS-CLÉS :

© Michèle Dujardin
1ère mise en ligne et dernière modification le 1er octobre 2010
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