nous étions nuit

« ne savoir où aller
me mène où je veux »
Thierry Metz


prolonger par un nouveau texte : parcelle basse creuse

nous étions nuit dans le verbe visqueux, son rêve mis à nu, lente progression d’un vieux désert entre cicatrices et haillons, saisons et fêlures sur les hauts rebords où battait la couleur, un bleu qui murmurait un nom perpétuellement aveugle, tant l’énorme fourniture de limons – débris feutrés d’une steppe à forêts transparentes, brousses à succulentes et leviers ronds des membres dans l’épais sommeil – exacerbait un crachin que l’émergence d’une vérité sans mot gonflait d’un bitume froid, tel le visage du désert, quand un ramas de mots secs allume sur sa bouche un grand frémissement de feuillage frais, et c’est la pluie, fûts droits à couronnes vives et langue pulpeuse, gonflée d’une clameur de bauge avec ses fleurs polyphoniques d’un jour, qui flottent sur le sel et vivent de rosée dans les courbes, les creux des formules animant de leurs chiffres le spectre des fonctions du vent, indéfiniment différentiables sur le velouté des sols minces, discontinus, et leurs échines basses à demi rompues, en forme de carènes où mènent des mers impalpables, poudres de loess gris sur les voûtes lisses, les têtes articulaires et la chair déchirée de quelque rameau nu, noueux, cognant à l’embouchure, buissonnant de lèvres, et ce piétinement autour des puits de salive, rythmique fauve d’avancées et de fuites, reins de manganèse assujettis à la terre, à ce qui plie, qui agenouille, métal martelé des sols noirs à coton, cuirassements houleux sous les chaînes de dunes, comme des îles, dans l’éparpillement de baisers qu’une brusque saisie colore du sang de la morsure, nous étions nuit dans le verbe visqueux et nous allions sur nos plateformes anciennes, que nous traitions comme un bleu nouveau, ciel terrestre à fouler d’un élan soutenu, d’assiette puissante et de grande fierté, et loin de nos existences, le monde fuyait peureux dans l’obliquité des plans, l’énergie de l’orage que nous étions le foudroyant là sous les grilles, à pleine voix, d’un clair-obscur que l’aube dispersait, et le réveil suivait le tracé intime de sources les unes aux autres mêlées, coulant d’un charroi de fièvres, de mains et de draps, d’une seule et même solitude, et nous voulions que le matin irrécusable anéantisse de son verbe fluide, le vieux désert et nous avec


LES MOTS-CLÉS :

© Michèle Dujardin
1ère mise en ligne et dernière modification le 12 avril 2013
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