champ de couleur

« Parce que les perceptions les plus humbles sont les plus universelles étant celles par quoi nous sommes au monde avant même qu’il n’y ait pour nous des choses. »
Henri Maldiney


prolonger par un nouveau texte : terre chaude, terre froide

champ de couleur, la renverse : marée légère d’un trouble, une apnée comme écrite dans la détresse, autour d’un mot qui fuit et de télescopages, dispersions concourantes avec retour du même, étrangement inquiet, mécanique, se coupant à l’infini, à la racine d’incidentes orphelines toujours délaissées, toujours recroisées là quand on s’allonge – de cela m’envahir laisser proche le ciel, bouger l’eau des limites, des blancs, des ponctuations indécidables et des nuages vides, courses fluides, improductives, entre les cartes floues de grands golfes contradictoires : reprendre haleine, faire halte – les ombres mangent dans la main, âmes flottées, sonnailles sur le tranchant du rasoir, cliquetis où la lumière entaille : montagne d’épuisement

étrangère et participante, navigante et baignée je vois nus mes déserts, mes soifs, mes luttes étalés : fins feuillets brisés, lichen noir, tout le calcaire mis aux fers : on y va repousser l’horizon, voir naître le passage – le ravin suspendu dans un miroitement de lac, je l’abrite entre mes lèvres : paysage de sel avec visage furtif d’assemblage incertain : balafres, gerçures, quelque part décalées dans le gras des joubarbes, la dalle noyée de jour où la cime tranche, et la page ouverte à ses propres abrupts : le vent tombé dans un rond de pierre, sa lente calcination

rauque, appelée du profond, la réserve de souffle, le coeur : le bruit d’existence qui me porte, avec les grandes tensions sous terre, le dense travail d’affrontement qui culbute et chevauche, démantèle : les lointains au-dedans, toutes ces têtes qui cognent - croûte grise, raclée, éphémère : en larges bancs lessivés les langues de schistes et leurs livres qui s’effritent, cette encre charbonneuse au long des plinthes de la terre : je les garde à dormir encore dans des draps durs, cousus d’invincible torpeur : les tables rases du ciel, les muscles douloureux, les yeux qui se ferment : mais de l’invisible coffrage d’une mer asséchée je remonte des coquilles : les savoirs s’en détachent, les discours : on n’ouvre pas leur secret

bégaiement d’intervalle : tremblent la lumière, les essences, par lourdes coulées – le dehors me traverse, creux, exténué : incandescence des pins, des térébinthes, vertige englué dans un treillis de lavande, d’élytres aussitôt disparus, tombés dans la chaleur - du moment brûlé sourd un vide aveuglant : j’esquive le regard du gouffre, et le front s’oublie sur une épaule démesurée, inépuisable : des possibilités s’évasent, des bleus, des icônes sans force - des trames se déchirent : masses surchauffées de graviers et débris, caillasse des hauts, quand on s’allonge – un trouble, ligne plus obscure du prolongement des crêtes, plus éparpillée : le corps glissant dans un résidu de hachures, de ruines, appelle d’une voix éteinte la paix du sommeil, sans se perdre ni se rompre, immobile, sans s’évanouir dans le vrac impassible des rocs


LES MOTS-CLÉS :

© Michèle Dujardin
1ère mise en ligne et dernière modification le 2 septembre 2016
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