frange, cassure

« le corps porte le blanc de la fiction qui le divise », Anne-Marie Albiach

« le morcellement, je respire, il disparaît, c’est l’espace », André Du Bouchet


prolonger par un nouveau texte : illuminations

je des lieux sauvages, matière cendre close, déposée : animal dans sa chaleur cloué, l’été nu finissant dans la ronce rase, dans le tumulte incandescent d’insectes ivres, près de l’arbre, haut sur l’échine pauvre de la terre, droit dans le tissu enchevêtré du monde et autorité naturelle, point d’axe, de balance, que le vent éclaire et fait chanter : il respire entre les cils, par échos, réverbérations fugitives sur l’écorce, dans les mots défaits qui sombrent et le déportement vacillant des lignes, plans gauchis glissant des flancs, lentement l’un sur l’autre, ce mouvement, cet intime roulis de la montagne, un lent bétail en face, d’un seul pas, couchant tête basse des bleus touffus, odorants, parmi l’éblouissement, le cliquetis blanc des ossements de silice, je des lieux sauvages, matière sable éteinte, perdue, et le cri d’un oiseau accélère la chute menue, près des lèvres, des miettes, du noir luisant, du doux mica infime brûlé des pierres, limailles et écailles, feuillets tendres, la soif est dans le vif sans mesure, pesant, soufflant là sur l’obole, les jalons, les mots brisés rendant au sol leurs formes recluses : pierres que ne guette pas la mort, balisages, seuils ruinés, lamellés, crissant de pages frêles aux généalogies plantureuses, et la main ouverte est pleine de poussière, de sueur et de fleurs sèches, de coquilles compactes et sourdes, parfaites de forme, où passe l’ombre de mers qui furent et qu’on ne connaît plus, et aussi le souhait incrédule d’être en amont, dans l’air, plus loin, une bête imperceptible, qui dort

 


LES MOTS-CLÉS :

© Michèle Dujardin
1ère mise en ligne et dernière modification le 11 septembre 2018
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