ce vertige

Jouir d’un instant
seul de vie
initiale
Giuseppe Ungaretti


prolonger par un nouveau texte : les îles

penchée, aveuglément,
il y a ce vertige : hisser des profondeurs
la mer,
tout entière piégée de face dans les bras écartés,
rude et tienne,
avec ses balanciers, les fourches lourdes, les barres fraîches écloses exacerbées contre les lignes,
jusque dans le vif, dans le bleu où tu respires
pour ce bouquet à toi seule
alentour fracassé,
ici,
célébration éphémère,
intime,
dans l’immensité usée
qui humblement
recule

 

tu as beau et beau
dans le trouble
poursuivre le flux des alliances
sans prise,
l’eau de ton sable immédiat écoulant la vie tiède,
comme tes doigts l’indiquent par les sentes fouillées,
les sinueuses ventouses au milieu de l’eau
le si friable réseau
d’ombre et de lumière,
inépuisable,
tu as beau et beau
et durement
accélérer la fin du rêve
dans le poing serré sur ton histoire,
émiettée, crissant de grains et d’esquilles
tu as beau et beau il y a toujours
cette fidélité obscure
au rêve
et si lui n’est plus là
elle gît,
mal oubliée mal obéie
sur la laisse la plus basse
et que faire
d’elle

 

les péremptoires s’invitent,
ils accourent,
comme le rien, le jamais plus, la mort,
le pas encore,
autour d’amers ballottés depuis longtemps obsolètes,
et la dune de biais attaque
les réverbères,
la stricte géométrie du parapet sous le poste de secours et l’ouverture noire, mutilée de la forêt de pins

 

le béton endure sous les algues une guerre
sans fin
il y a dans la rouille pour les pieds nus tant d’éclats de verre
bouteilles de bière barbelés plastiques,
tessons,
un vent de voix sifflées, inclémentes,
tire les ombres dans les flaques et le sel
accroche cette peinture bleue
avec ses yeux fendus au kohl,
petite scorie de lumière dans le charroi de décombres
et le cliquetis du grillage
éventré,
seule réponse,
es-tu venue chercher une réponse
parmi les gravats les immortelles

 

la plage est profonde et la route droite,
au loin elles se perdent,
marient leurs arrière-saisons en un point de détresse, à bout de souffle,
dans l’écume forte, dilatée

 

comment partir d’ici

 

la vague et sa période quand les assises rompent,
tu les comptes en falaises mortes, en usure,
en grands arrachements et leurres,
en élans fictifs et désarrois rudimentaires,
en secrets,
car chaque mot gratté, émoussé sans luisant, désassemblé dans les lignes d’erre
est plus vide
que ton corps,
mais l’horizon est net,
il semble que l’été déborde sur les froids à venir et des enfants jouent dans les grandes mares chaudes,
à l’abri

 

tu marches sur un miroir sans reflet presque noir
comme une nuit inversée
de sable et d’eau
poussant en avant un troupeau de mouettes,
et le jour
est encore
très haut

 


LES MOTS-CLÉS :

© Michèle Dujardin
1ère mise en ligne et dernière modification le 3 août 2021
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