Voix

à écouter : Voix, texte de Michèle Dujardin, lu par Hugo Bon, musique Pierre Mottron. VOIX Seule et brûlée avec des murs de soie,
qui tiennent dans leurs mains aveugles
l’éternité toute petite,
la voix résiste à la pesée des ombres,
la voix résiste aux marteaux lointains
aux jungles avec leurs fils du rasoir
dans le blanc des coupe-coupe,
la voix qui jazze bleu ces images
de l’autre côté de la peau morte,
obscurément volée aux lentilles de glace, un soir,
dans la (...)


prolonger par un nouveau texte : L’homme téléphonique (divertimento serioso)

 

VOIX


Seule et brûlée avec des murs de soie,

qui tiennent dans leurs mains aveugles

l’éternité toute petite,

la voix résiste à la pesée des ombres,

la voix résiste aux marteaux lointains

aux jungles avec leurs fils du rasoir

dans le blanc des coupe-coupe,

la voix qui jazze bleu ces images

de l’autre côté de la peau morte,

obscurément volée aux lentilles de glace, un soir,

dans la voix toute petite

qui résiste aux solitudes, débordant

des commissures comme des mots-mêmes,

des grands silences,

la voix partie vêtue de fer

quand elle fonce dans la poussière sonore du flash,

sur sa trame fluide,

à sifflement d’anche avec piano très seul,

la voix noire qui résiste,

dans la voilure suburbaine

d’une rue noire qui largue en résonance au feu,

dans la casse des coeurs

son quotidien d’enfer,

la voix qui dure,

déformée déviée lorsqu’elle fait la manche,

vers la mort parlante

et ses archives truquées,

la voix seule qui résiste

aux nuits frissonnantes d’alcool

dans le lait des simples étoiles si nues

qu’elles courbent la terre,

jusqu’aux micros des mémoires masquées

dans leurs livres de jeunesse,

la voix qui résiste liée

dans ses cordes translucides où l’orage

s’agrippe quoi que tu fasses de tes mots,

de ces moments de râpe et de crécelle

quand le rush des larmes

coiffe au poteau la petite mer

de ton chant,

la voix qui résiste qui sourd

dans les bredouillements de l’aube

et ses cristaux maculés d’ocre et de sang,

pour les pleureuses, pour la guerre qui s’éveille dans ses draps de peau,

la voix qui fend qui frappe,

au déboulé du monde clos

inapaisable chagrin dans son noyau de nerfs,

la voix au swing déglingué

à la pâleur de cire

dans la nuit des langues en vrac,

tout souffle, tout cri confondu ta voix que porte,

le regard vide des bongos

en fin d’alerte,

quand le temps vient à bout de tes morts

toujours les mêmes

et que tu réécris ta mémoire,

sur le trottoir où brasille

le premier mégot du jour,

alors ta voix se démaquille

au tomber du rideau se dépouille

de sa robe de paroles,

moule ses courbes

dans la complainte de la mer le flamenco des tristes

le phrasé du vent,

et l’espace qui advient c’est toi,

tendu tout entier dans ta voix

seule

qui résiste


LES MOTS-CLÉS :
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© Michèle Dujardin
1ère mise en ligne et dernière modification le 20 mai 2009
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